Le Goût de vivre fête ses 40 ans!

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Afin de souligner le 40e anniversaire du journal communautaire «Le Goût de vivre», l’équipe a cru bon de partager son historique. De plus, le journal publiera des articles qui ont paru pendant ces nombreuses années et qui ont façonné la communauté. Ces articles vous rappelleront sans doute, plein de souvenirs. Nous espérons que vous allez profiter des publications historiques. Soyez aux aguets car il y aura également des concours tout au long de l’année dont un sur cette page.


Juillet 1976 Le magasin Desroches Raconté par Anita (Desroches) Maurice C’est avec un certain regret que je vois disparaître l’enseigne devant le magasin Desroches. Chose étrange, mais je ne peux pas me rappeler ce que cette enseigne disait au juste… elle a été là si longtemps pourtant! Je sais bien que mes parents ont bien gagné la retraite qu’ils entreprennent mais après 38 années de commerce dans ce petit magasin, le village ne sera plus le même. Où vais-je faire mon magasinage à présent? Ça ne sera plus la même chose! Peut-être que les prix sont un peu moins «en ville» mais quelle tentation d’acheter beaucoup lorsque les tablettes sont pleines de tant de variétés! C’est à peine si je me souviens lorsque notre famille est déménagée à Lafontaine de la Randolph car je n’allais pas encore à l’école et Pauline, ma petite sœur, était bébé. C’était donc en 1938. Ce même automne, le magasin a ouvert ses portes. Ce n’est pas le ma-gasin d’aujourd’hui, mais une bâtisse beaucoup plus petite avec la «store room» dans ce qui est maintenant le salon.

C’est vraiment un magasin de campagne au service des fermiers. On y retrouve de tout : du pain et du beurre, des remèdes, du fil et de la laine, de la broche à barbe, du sel à vache, des charrues et de l’huile à lampe… L’emplacement est loué pendant 2 ans et lorsque les affaires ont l’air à bien marcher, on l’achète à un prix très modique. Pas d’électricité durant ces premières années. La maison est éclairée à l’aide d’une lampe à l’huile et le magasin à la grosse lampe à gaz (le naphta). Celle-ci rend la famille un peu nerveuse car quelques années auparavant, Cléo mon frère, s’était fait mal brûler par une telle lampe. Il en porte les marques! Il faut aussi faire sa propre glace pour préserver certains produits. Au printemps, de gros morceaux de glace sont déposés dans un bran de scie dans la glacière derrière la maison. Là on garde le beurre et la viande, surtout le «bologna», ce qu’on appelle la «balonée» et la viande salée. Mais bientôt les fils électriques arrivent à Lafontaine et changent la manière de vivre pour tous. En 1943 cette nouveauté voit le jour au magasin. La vilaine lampe disparaît et un réfrigérateur remplace la glacière. En 1945, le magasin s’agrandit avec un beau «store room» en arrière. La famille hérite un salon et une autre chambre. Petit à petit les choses changent : la broche à barbe et plusieurs choses semblables se vendent maintenant ailleurs mais d’autres marchandises s’ajoutent et le commerce conti-nue. La famille Desroches grandit et tour à tour les enfants doivent passer des heures derrière le comptoir après les clas-ses et le soir, mais surtout durant les repas afin que le père puisse manger aussi. Les années passent si vite que bientôt il n’y a plus personne pour aider. Les derniers, Bruno et Rachelle sont partis à leur tour et mes parents demeurent seuls. C’est le temps de fermer les portes. Et bien tout a son temps! Et tout a sa fin! C’est à la fois regrettable et plaisant de voir cet événement. Les petites choses qui me viennent à l’idée en constatant ce fait sont multiples et assez étranges. Je me souviens : – Lorsque le magasin était ouvert après la messe du dimanche pour recevoir les gens d’au loin qui ne pouvaient pas se rendre au village facilement. – Lorsque mon père faisait la livraison dans les concessions avec un petit camion, un Chev 34 vert (duquel Pauline est tombée un jour sur le chemin de la Baie du Tonnerre) jusqu’à ce que l’essence soit rationnée pendant la guerre. – Le rationnement du sucre, de la viande et du beurre. Il fallait coller des tas de petits timbres sur des grandes feuilles pour le gouvernement, disait-on. Plusieurs friandises : dattes, raisins, chocolat et autres devaient rester sous le comptoir pour les meilleurs clients avec une grosses famille. – Des grands tiroirs de sucre blanc et brun, du «peanuts butter» en chaudière, du poivre et du riz à la livre, qu’il fallait peser et empaqueter. – Que le magasin était une place de rencontre pour tous les âges : les jeunes après l’école, les plus vieux le soir pendant la veillée, car le magasin fermait à dix heures. – Que c’était assez difficile de ne pas se mettre les doigts dans la boîte à bonbons, plus tard les cigarettes. – Comment c’était bon de se cacher avec un panier de pommes vertes dans la «shed» où était le sel de vache. – Des temps où le magasin était fermé le mercredi après-midi surtout en été lorsque l’on pouvait se sauver au lac se baigner. – Quoi que la porte du magasin était fermée à clé chaque soir, celle de la maison ne l’était pas… et voilà qu’un beau matin on a trouvé deux jeunes hommes tout bonnement endormis sur le plancher de la cuisine. – Et qu’un autre matin, un bon monsieur y entre, passe tout près de la chambre à coucher de mes parents et se rend au magasin attendre qu’on s’y rendre pour le servir. Il était arrivé trop tôt pour la messe de 7h et profitait du temps gagné pour s’acheter des bottines. – Et puis un soir que ma petite sœur jouait dans le ma-gasin et qu’on lui demanda s’il y avait un client là… non seulement Madame Alice. C’est bien l’essence d’un magasin de campagne! En tout cas, on a bien fait car ce n’est pas facile d’élever neuf enfants tout en s’occupant d’un petit commerce! Et malgré les intempéries, nous sommes tous heureux!