Joëlle Roy
Ghisèle et Gilles nous permettent, à nouveau d’explorer une famille dont un conjoint est fils de la Huronie et l’épouse, pour emprunter une expression locale, est une «transplantée»; qualificatif qui couronne les gens qui ne sont pas natifs du coin. Gilles est le fils de Roland et Maria Ladouceur.
Descendant des premières familles pionnières installées sur la 17e concession, on pratiquait une agriculture rigoureuse qui a mérité à monsieur Roland un premier prix pour la qualité de ses patates au Royal Winter Fair de Toronto. Grand-père Edmond Maurice avait remporté le même honneur à son heure. À croire que les patates, c’est dans les gênes!
Le parcours de Ghisèle s’apparente plutôt à une feuille au vent. Née à Arundel dans les Laurentides, sa famille habitera la région montagneuse jusqu’à ses 7, 8 ans. Son père, Joseph Roméo Noël de Tilly occupera quelques différents postes avant de devenir gérant des ventes en électroniques.
La mère de Ghisèle, Marie-Thérèse Lambert, qui avait été enseignante, fera la classe à la maison après leur aménagement dans les Cantons de l’est. La fin des années 40, c’est la folie technologique qui fait rage. M. Noël de Tilly commence à vendre des formations pour qualifier les réparateurs de radios et de téléviseurs.
Cette besogne dans les nouvelles technologies ouvre des portes un peu partout et bientôt, les Noël de Tilly déménagent dans la capitale ontarienne. Ghisèle a dix ans et elle se débrouille en anglais. Comme on habite dans le nord de la ville, elle apprend le trajet d’une heure en tramway et autobus pour se rendre à l’école Sacré-Cœur comme une grande.
Pour la neuvième année, la petite Ghisèle fréquente la Villa Marguerite Bourgeois, école franco-catholique qui deviendra Monseigneur de Charbonnel. C’est une grande maison victorienne et l’expérience en ces murs s’apparente à son vécu, plus tard, à l’école de la Résistance.
Notre feuille au vent retournera à Sherbrooke pour sa dixième année au Mont Notre-Dame. Le séjour ne durera qu’une année car les frais pèsent trop lourds dans le budget familial.
Ghisèle rentre à Toronto et s’inscrit au St Joseph College School dans le programme de secrétariat. Donc, à dix-sept ans elle est secrétaire qualifiée et prête pour le grand monde!
Pendant ce temps, chez les Maurice… Saviez-vous que Gilles a grandi dans la maison de Théophile Brunelle au bout de la 17e? Il était bambin quand sa famille a aménagé sur ce haut de colline. Il est descendant d’agriculteurs de vocation. Son père Roland et grand-père Edmond ont façonné l’industrie de la patate sous les enseignements du Père Marchildon. Mais Gilles n’avait pas cette piqûre. En plus, des problèmes de maladie infantile, l’eczéma, se développe en asthme; malaise qui rend l’agriculture un cauchemar.
Nous arrivons à la connexion : le moment où ces deux mondes se retrouvent dans la même orbite. Le point de rencontre est à Elmvale où M. Noël de Tilly rencontre des clients qui lui parleront de Lafontaine, ce village gaulois, et du jeune Gilles qui pourrait être un bon candidat dans le secteur de la technologie des radios et téléviseurs.
En 1958, alors que M. Noël de Tilly vient rencontrer Gilles, du même coup il achète de M. Greene le petit chalet voisin des Maurice. Ghisèle vient souvent avec ses parents dans ce chalet quand elle ne travaille pas les fins de semaine. Elle a dix-huit ans et Gilles est son aîné de cinq ans. Il l’invitera à faire le tour du coin dans sa voiture. Après peu de millage, Gilles et Ghisèle sortent danser, sortent aux vues, sortent ensemble. On passait beaucoup de temps en famille à jouer aux 500, jeu de cartes où deux couples s’affrontent.
On échange les anneaux à l’été 1960. Gilles avait complété sa formation au Radio College de Toronto et était désormais qualifié pour trouver du travail comme technicien de radio et télévision. Le bercail s’installe au deuxième étage de la maison d’Aline Jessome, sœur de Gilles, à Midland. C’est là que Francine, l’aînée, est née. Sans trop tarder, on achète une petite maison à l’entrée du village de Lafontaine. Le 302 de la rue Lafontaine ouest était l’ancienne maison de M. Edmond Desroches. Le nid sera le lieu de naissance des trois autres enfants : Marie-Thérèse, Lucie et Roland.
Il y a presque six ans entre les deux derniers; ce qui donnera le temps à Ghisèle de remplacer Rosita Y. Desroches à la maternelle pendant que celle-ci donne naissance à Yves. C’est aussi l’époque PIL, (programme d’initiatives locales) qui permettra l’exploration des pistes de ski de fond avec le canton de Tiny. Elle travaille comme secrétaire de l’organisation.
Gilles travaille pour Therrien TV «Services Center à Midland». Après trois, quatre ans, il devient partenaire avec Gerry Therrien, Clint Truax pour créer le «Therrien Furniture and Appliances». Du même coup, il devient plus que technicien; il touche à la vente, aux réparations, ainsi qu’à la livraison. Ce commerce trônait au coin de la route 93 et du chemin Balm Beach.
En 1975, Gilles vend ses parts dans le commerce pour acheter le réputé magasin Webster’s sur la rue Robert de Penetanguishene en face de l’hôtel de ville. Ghisèle aide à son mari avec le marketing du nouveau «Maurice Furniture and Appliances».
Ghisèle sera surtout reine du foyer jusqu’à ce que le plus jeune, Roland, soit quelque peu autonome. Le petit Roland fréquentera la garderie du Centre communautaire de Lafontaine. Ghisèle qui veut s’impliquer dans sa nouvelle communauté s’implique avec son époux sur bien des fronts. Il y aura le comité de récréation du village avec Victor Moreau et Pierre-Paul Maurice. Le comité parents-enfants de l’école Ste-Croix s’avère une bonne piste d’intégration.
La décennie 70 marque l’apparition du Centre d’activités françaises et l’euphorie de l’École de la Résistance. L’implication communautaire de Ghisèle à Lafontaine déménage à Penetang. Elle prendra le secrétariat du Centre d’activités sous la direction de Roland Desroches puis de Basile Dorion. Elle était secrétaire du centre l’année de l’école de la Résistance; période de vie qui sera, pour Ghisèle, la plus excitante. Leurs trois filles, Francine, Marie-Thérèse et Lucie feront partie de cette école historique. Malgré les affrontements cruels, il y flottait un air de solidarité palpable. Comme secrétaire, elle faisait partie des rencontres quotidiennes où les élèves ont appris des leçons incomparables de résilience et de solidarité.
Et comme Basile est complètement consumé par la Crise scolaire, Ghisèle doit s’affairer à la programmation du Centre. On venait de lancer le Festival des quenouilles et c’était l’âge d’or des ateliers de toutes sortes.
C’est en 74, dans cette période si occupée, que l’on déménagera à Lafontaine sur le chemin de la Pointe aux Cèdres. Jusqu’à 2010, la nouvelle demeure sera la maison familiale. La belle grande maison est entourée d’érables alors on atteint deux coups de cette pierre : maison familiale et érablière! L’érablière enrichit la vie de famille tellement qu’en 1987 on se procure un évaporateur de 24 x 6 pieds. La cabane était à peine assez grande pour en faire le tour. Vingt-deux ans de souvenirs de familles pour les trois générations. Des souvenirs inoubliables pour les neuf petits-enfants. On a entaillé jusqu’à 297 chaudières et fait jusqu’à 257 litres de sirop, les bonnes années. C’est écrit dans le bloc-notes de Gilles. Quand Marie-Thérèse ne pouvait venir qu’à l’été avec ses petits, on conservait de la neige dans le congélateur pour reconstituer en vitesse la tire sur la neige au mois de juillet! Faut aimer ses sucres.
Les 80 ont aussi marqué les départs des oisillons vers leurs propres nids. Francine épouse Gary Dubeau et s’installe à Perkinsfield. En 87, c’est Lucie qui épouse son Stuart et déménage à Sarnia. Puis l’année d’après, Marie-Thérèse se marie avec Tom et s’envole pour le Botswana le lendemain. Quant à Roland, ce n’est qu’en 2009 qu’il prendra mari et décidera de s’installer en Colombie Britannique avec Ben.
Il y avait mille et un comités avec tout ce qui se tramait. Les deux époux ont siégé sur une multitude de ceux-ci dont les comités de Parc et récréation, Lafontaine en action, gestion de la crise scolaire, programmation de CFRH (bis, bis, bis). Gilles a été président de la Caisse populaire de Lafontaine et du comité de la paroisse Ste-Croix. L’ensemble de l’implication de Ghisèle a été reconnue au Gala de la femme en 2008 alors qu’on lui remit la palme pour l’implication communautaire.
Après l’obtention de la nouvelle école secondaire, Ghisèle devient chef de bureau pour deux ans. Le temps de se qualifier pour l’enseignement pendant les mois d’été, elle prendra les cours d’enseignement des affaires (sténo, dactylo, tenue de livre, correspondance). Elle enseignera jusqu’en 1991 dans la nouvelle section de bureautique à l’école secondaire Le Caron.
Dans les 90, nous verrons l’apparition du post-secondaire dans la région. Avant de s’y lancer, Ghisèle passera par le BSLF (bureau de services en langue française), qui est le pseudo conseil scolaire public franco où elle travaille avec Denis Chartrand. Et le Collège Georgian ouvre un campus en haut du centre d’achat de Penetanguishene. Ghisèle y enseigne le programme FBO (la formation de base de l’Ontario) de 92 à 95. Il y a aussi les cours donnés chez Nebb’s, industrie de Midland, pour la maîtrise du français des affaires.
On peut dire que Ghisèle a été dans plusieurs débuts ou initiatives dans la région : le campus de Penetang du Collège Georgian, le ski Lafontaine, Le Centre d’activités, le Villageois, l’école Le Caron… De 1988 à 1993 Gilles gère Lafontaine en action jusqu’à ce que Victor et Cécile Moreau achètent le centre.
En 1993, Gilles retourne au commerce de meubles et appareils, à Midland cette fois, sur la route 93. Six ans plus tard, il déménage sur la rue King où il change sa vocation pour vendre uniquement des matelas. Le dernier déménagement des matelas mène au 354, tout près de la rue Yonge. Ses deux filles, Lucie et par la suite, Francine aideront leur père jusqu’en 2008 alors que Gilles prenait sa retraite et que le commerce fut vendu.
Le Collège Georgian laisse place au tout nouveau Collège des Grands Lacs où Ghisèle travaillera de près avec France Picard pour tenter de faire fonctionner ce concept d’enseignement à distance. En 96, Gilles sera membre du premier conseil d’administration de La Clé d’la Baie qui vient de rassembler l’ACFO, CFRH et le Centre d’activités.
La fin des 90 marque un retour à Lafontaine pour s’impliquer auprès de la communauté dans laquelle ils vivront leur retraite. Ghisèle prend le secrétariat du club d’âge d’or de Lafontaine. Ce n’est qu’après la retraite de 2002 que l’implication dans le projet du Villageois commence.
Gilles et Ghisèle font partie du C.A. et des innombrables réunions pour aboutir à la première pelletée. Leur appartement a été choisi à même les plans de construction.
Gilles a profité un peu du nouveau chez-soi avant de nous quitter en 2012. Comme quelques autres, ils ont vécu le rêve, la planification, la construction et l’occupation du projet le Villageois.
Comme seule la vie sait si bien enligner les événements, deux ans plus tard, Ghisèle se lie d’amitié avec Dave Watier qui était le nouveau propriétaire de la maison familiale sur Pointe aux Cèdres. Dave devient un partenaire de vie et elle retournera dans son ancienne maison jusqu’en 2017 quand il décède. C’était pour elle surréel de retourner chez-elle comme invitée même si tout, ou presque, était intact comme les chaises près des gros érables Big Mama et Big Papa toujours à leur poste.
De retour au Villageois, Ghisèle habite un appartement avec une vue remarquable. Qui peut se vanter d’aller faire de la raquette directement par la porte du salon.
Les neuf arrière-petits-enfants des neuf petits-enfants nourrissent la fierté d’une mamie qui continue de s’impliquer dans la gestion de sa famille communautaire, le Villageois. Avec ce passé si riche, Ghisèle est vibrante d’un présent bien lumineux.