Joëlle Roy
Cécile est la fille de Clément Marchildon et de Virginie Hamelin. Elle est la quatrième de dix enfants dont huit gars et deux filles. La famille Marchildon habitait la 17e concession près de la croix de chemin. Ils vivaient de la culture de la terre et de l’élevage d’animaux.
Cécile garde de bons souvenirs de la ferme. Quand son père labourait les champs, en suivant à pied le cheval pour contrôler l’équipement, elle aimait marcher pieds nus dans cette nouvelle piste rafraîchissante.
En étant autant d’enfants, les jeux s’organisent facilement. On jouait aux billes. Le mulon de paille l’été, c’était le Wonderland de la 17e. L’été on glissait à partir de la pente de la remise, les fesses sur le fer blanc. Les parents, eux, jouaient aux cartes. Les sœurs de maman Virginie, Laurette et Adéla, venaient avec leur mari, Augustin Marchand, Edward Robitaille, pour jouer au 58. Sans être une famille musicale, il faut mentionner que grand-père Hamelin avait la jambe alerte et pouvait stepper.
Il y avait aussi les réunions de famille organisées par l’oncle Aurèle Hamelin. Toutes les familles Hamelin se retrouvait dans un champ au bout de la 18e concession sur la ferme d’Edward Robitaille.
Sa bonne amie, c’était Annette (Beauchamp) Marion. Le plaisir qu’elles ont eu à jouer au baseball. Les filles de 7e et 8e années se disputaient de bonne joute. Fallait voir tous les coups de circuit de Marguerite Robitaille. Elle frappait la balle bien d’aplomb, celle-là!
Le printemps et l’automne, les enfants marchaient jusqu’à l’école Ste-Croix mais l’hiver, les papas prenaient chacun leur semaine pour conduire la marmaille à l’école en sleigh bien couvert d’une couverture Buffalo lourde et chaude. Pour faire cette rotation, il y avait l’oncle Edmond Marchildon, Alcime Maurice, Ida Maurice et Augustin Lacroix.
Le printemps, les chemins étaient vraiment en mauvais état. Il y avait une petite allée dans le bord du chemin où les voitures passaient mais le reste débordait de mottes de boue qui pouvaient ressembler à des volcans miniatures. Pour les enfants, ça ne changeait rien puisqu’ils marchaient à l’école.
Les souvenirs de l’école élémentaire sont moins joyeux. Cette atmosphère, qu’elle trouvait austère, ne lui plaisait pas tellement. En fait, les bonnes sœurs et leur accoutrement lui faisait un peu peur. Après la huitième année, elle tourne le dos à ce désagrément.
Après l’école, l’oncle Aurèle Hamelin et tante Lucille l’engage pour aider avec les tout-petits et la besogne de la maison. Puis oncle Aurèle, qui a joué un rôle marquant pour Cécile, l’aide à se placer dans le monde du travail, d’abord chez Bosch and Lomb et plus tard au Midland Plastic. Le travail dans les manufactures s’étend de 58 à 63. Au début, elle voyageait avec Alvin Ladouceur. Puis l’hiver venu, elle, Carole Le Clair et Alice Vaillancourt se louent un appartement à Midland pour éviter de voyager dans les intempéries. Cécile raconte que, dans ce temps-là, il y avait des tempêtes à ne plus finir avec des vents qui soufflaient de loin et longtemps.
C’est au cours de ces jeunes années qu’elle fréquentait Léonard Blondin. Son frère Jules travaillait pour les Blondin à construire des bateaux, des berceuses… Elle sortait donc avec ses frères aînés, et Léonard est vite devenu son préféré. C’était amusant d’avoir un ami qui l’amène en bateau en l’air des lacs. C’était un groupe de gens qui passaient du bon temps ensemble. Cécile avait 18 ans et lui 21 quand il est décédé des suites d’un terrible accident au quai de Penetang. L’explosion d’un moteur de bateau détruit cette vie qui commençait à peine. C’est aussi la mort dans l’œuf d’une belle relation.
En 64, Cécile quitte pour Toronto afin d’y suivre une formation en coiffure. Sa petite sœur Yvonne est déjà dans la ville reine. Cette dernière, ayant complété le cours à Midland qui s’appelait «Typing and book keeping», a vite été embauchée à Toronto. Avec un endroit où demeurer, il devient possible pour Cécile d’entreprendre l’étude d’un métier professionnel. Éveline Moreau, fille de Rosaire, habitait déjà avec Yvonne. Cécile a été la 3e roue dans cet appartement qui n’avait qu’une seule chambre.
Après son cours, Cécile travaillera pour le salon Tyndell Hair Dressing sur la rue King. Ce travail de coiffure dure plus de quatre ans, soit de 65 à 69. Le défi avec le métier de coiffeuse c’est d’être sur ses jambes à la journée longue. Par la fin de cette période, Cécile a terriblement mal aux jambes. On travaillait du lundi au samedi en plus de deux soirées par semaine.
C’est dans ce désir de travailler assise qu’elle décroche un poste dans la finition de photo. Elle préparait les pellicules à leur développement vers la photo. Ce travail se fait assis et lui permettra de demeurer en ville un peu plus longtemps.
Elle coiffera dans un autre salon avant de quitter la grande ville : Adrien Hair Styling. Elle se souvient de la course à l’heure du midi. Plusieurs femmes n’avaient que l’heure du dîner pour se faire coiffer. Nous sommes à l’époque du martyr des rouleaux à friser. On enroule une mèche de cheveux à ce rouleau avec de piquants qui pénètrent jusqu’à la cervelle (ou presque). Huit coiffeuses s’affairaient à cette heure de dîner qui devenaient une course contre la montre.
Il faut dire que Cécile venait souvent faire son tour à Lafontaine. Elle peut encore sentir le foin frais coupé alors qu’elle parcourt la 17e pour rentrer au bercail. Au cours de ces visites, alors qu’elle était encore à Toronto, elle se lie d’amitié avec Martin Génier, l’homme qui deviendra son mari. Avec plusieurs autres petites jeunesses, on se rencontrait au Commodore à Penetanguishene pour jaser et rigoler assis sur leurs bancs en demi-lune. Martin était sur la terre de ses parents sur la 16e concession, non loin du village de Lafontaine, près de la croix de chemin. Il était le fils d’Honoré Génier et Rebecca Gravel.
C’est en 71 que Cécile revient pour de bon à Lafontaine à la maison familiale. Son premier travail a été d’aider la famille de Rosita M. Desroches qui a subi un terrible accident de voiture. Quelques temps plus tard, elle loue un appartement chez Justin Maurice, au coeur du village. Le loyer coutaît 90$ par mois. Ce loyer lui permettait de coiffer. À 3$ la coupe, on en fait une et une autre pour gagner sa vie.
À son retour à Lafontaine, Cécile fréquente Martin. Comme papa Génier est maintenant décédé, elle aide son amoureux à prendre soin de sa mère et de son frère Rémi. Elle aidera à peinturer la petite maison que l’on construit pour sa belle-mère. Prima (Génier) et Léo Forget ont aussi contribué grandement au bien-être de maman Génier.
Avant de prendre la ferme familiale, Martin avait fait des toitures à Toronto avec quelques autres gars du coin. C’est Georgette et Roger Jaiko qui l’hébergeaient dans la grande ville. Il a travaillé pour Ogilvy, la manufacture de farine de Midland. Lui aussi a sablé les routes à la pelle avec Philibert Beaudoin. Et même après avoir entrepris le travail de la ferme, il était conducteur d’autobus pour les enfants de l’école Sainte-Croix.
En 77, l’union de Martin et Cécile s’officialise et ils font leur vie sur la terre familiale des Génier. C’est une ferme à bœuf. On prépare les animaux envoyés à l’abattoir d’Ernie Quesnelle sur le chemin Wilson à Midland.
Martin et Cécile deviendront parents de trois belles filles, Adèle, Claire et Anne, en cinq ans. La coiffure prendra une pause bien méritée.
Le travail sur la ferme plaisait à Cécile qui se retrouvait dans un contexte familier. Elle prenait le rôle qu’elle avait observé chez sa propre mère. Quand les filles seront plus grandes et autonomes, elle reprendra sa pratique de coiffure dans sa cuisine.
Avec son cœur sur la main, Cécile s’attachait aux animaux. C’est dangereux avec des animaux à bœuf. Il y avait une vache qui était devenue sa grande amie. Quand Martin a parlé de l’envoyer à l’abattoir, elle a défendu la cause de la belle vache beige aux beaux grands yeux noirs. Comme il n’y avait aucune autre bête prête pour le couteau, il fallait se résigner. Elle a pleuré toute une journée.
Au début des années 90, Martin commence à ressentir des problèmes cardiaques. Il avait à peine 54 ans lorsqu’il subit une crise cardiaque. Sept ans plus tard, à 61 ans, le malaise cardiaque l’emporte pour de bon et laisse une Cécile toute jeune veuve.
Pendant ce temps, sur la ferme familiale dans la 17e, maman Marchildon, veuve depuis des lustres, commence à perdre ses moyens et son autonomie. Marc et Mauril étaient sur la ferme et s’en occupaient avec grands soins mais avec les travaux à faire sur la ferme, la situation devenait intenable. De 2000 à 2004, Cécile accueille chez-elle sa petite maman. Ceci permet de boucler la boucle car elle se dit : «Je n’ai pas passé assez de temps avec ma mère».
Pour bénéficier de l’aide à domicile, il fallait se faire approuver par la Croix Rouge pour qu’ils envoient les PSW (Personal support workers). Ainsi, Cécile avait un répit pour aller faire les courses. Aussi, la Croix Rouge envoyait quelqu’une pour aider avec les bains. L’oncle Aurèle, qui a été comme un père pour Cécile, est venu agrandir la porte pour permettre l’utilisation de la chaise roulante.
Les nouveaux arrangements permettent à ses frères de s’occuper de la terre et à la mère, d’être entourée à toute heure du jour. Le Père Hamel apportait la communion tous les dimanches matin. Pour que Cécile puisse aller à la messe, Marc venait passer du temps avec sa mère le dimanche soir. Ainsi elle pouvait aller à la messe à Midland, le dimanche à 19h30.
C’est là qu’elle fait la rencontre d’Edmond Desrochers qui est devenu veuf dans la même période que Cécile. Parle, parle, jase, jase, ils se marieront éventuellement, le temps d’organiser leur vie commune. Il a deux enfants qui font maintenant leur vie, soit Suzanne et Joseph.
Maman Marchildon, qui est au milieu d’une neuvième décennie, devient de plus en plus confuse. La situation intenable oblige un nouveau scénario. On convient qu’il est maintenant nécessaire de lui faire un nid dans la maison Beachwood sur la rue Church à Penetang. Sa mère nous a quittés en 2004.
Edmond Desrochers, l’ami de cœur de Cécile, travaille à Barrie. Il laissera son boulot pour se rapprocher et travailler pour Sabin Charlebois. C’est en 2007 qu’ils deviennent époux, épouse. Le mariage ne durera que deux ans et la maladie de cœur emporte également son deuxième mari en 2009.
La construction du Villageois est maintenant terminée. Le Villageois n’était pas une option avec Edmond qui préférait rester et mourir chez-lui. Maintenant seule, Cécile décidera autrement. Il faut aussi mentionner que la ferme des Génier est maintenant vendue à Pierre-Paul et Louise Maurice et leur fils Alex y habitera avec son épouse Lindsay et leurs jolies poulettes.
Au 30 juin 2010, elle emménage au Villageois où elle fait encore beaucoup de bénévolat. Le soin des autres est devenu une expertise. Elle a prodigué les petits soins à Berthe Marchand qui habitait la section pour les gens en perte d’autonomie. C’est maintenant Marguerite Mullie qui profite de ses soins. Il y a quelques années, elle aidait régulièrement à la cuisine.
Cécile est fière de ses trois filles. Adèle, mariée à Marc Laurin, demeure tout près à Barrie et ils ont une fille (Jade). Anne, et son mari Paul Makhija, est un peu plus loin, à Toronto. Elle a eu deux garçons (Louis et Sébastien). Claire, elle, est l’autre bord du globe, en Australie. De son mariage avec Edmond, il y a quatre petits-enfants dont ceux de Suzanne qui habite la région torontoise.
Cécile est remplie d’une énergie qui dissimule bien ses 80 ans. Elle se dit bénie d’une vie bien remplie. La prière l’a toujours accompagnée et a été une source de réconfort et de bénédiction. On lui souhaite de continuer d’émaner cette joie de vivre et cette générosité qui fait encore le bonheur de tant de gens!
Sur la photo on aperçoit: Martin et Cécile (Marchildon) Génier avec leurs filles Anne, Claire et Adèle.