Micheline Marchand
La salle paroissiale de Lafontaine n’accueille plus personne. Elle attend de connaître son sort : réparation coûteuse ou démolition. Situé au cœur du village à côté de l’église patrimoniale, l’édifice à l’extérieur rouge construit en 1939 par les paroissiens, encouragés par leur curé, Thomas Marchildon, a été, entre autres, salle de banquet, de spectacle, d’exposition et aussi bureau de vote.
Les quelques exemples qui suivent illustrent bien comment la salle paroissiale a servi la collectivité de Lafontaine qui s’y rassemblait.
Rassembler pour s’instruire
Le 11 octobre 1942, le grand ralliement canadien-français de l’Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario s’est tenu à la salle paroissiale de Lafontaine. Cette rencontre d’envergure provinciale de 1 000 personnes a fait la une de l’édition du 13 octobre 1942 du journal Le Droit à Ottawa.
Lorsque le conseil scolaire établit une école de continuation de Lafontaine pour y offrir de l’enseignement au niveau secondaire, il n’y a pas de locaux pour accueillir les 47 étudiants qui se sont inscrits. L’ouverture officielle de l’école, située à côté de l’école Sainte-Croix, n’aura lieu que le 13 juin 1948. En attendant, la salle paroissiale héberge l’école. À la fin de l’année scolaire 1945-46, on remet les diplômes aux trois premiers finissant-e-s : Simone Brunelle, Maurice Gignac et Marguerite Marchildon.
Trente-cinq ans plus tard, soit en juin 1981, une autre remise de diplômes se déroule à la salle paroissiale, celle des premiers finissant-e-s de l’École secondaire Le Caron aménagée dans les locaux désaffectés de l’ancienne école de continuation en attendant la construction de la nouvelle école secondaire de langue française à Penetanguishene qui se faisait attendre.
Rassembler pour exposer
Dans les années 1950, on organisait des expositions de la patate de semence. Selon ma mère, Réjeanne Marchand : «Les agriculteurs étaient fiers de leurs produits. Ils étalaient leurs patates sur de grandes tables. C’était beau à voir.»
Plus récemment, lors du Festival du loup, un groupe de bénévoles installait un musée temporaire, habituellement dans la salle paroissiale. En 2012, après 10 ans d’existence, le Musée de Lafontaine a reçu le Prix d’histoire du Gouverneur général pour l’excellence des programmes communautaires.
Rassembler pour célébrer
La salle paroissiale a toujours été un lieu pour les fêtes : danses sociales, banquets de noces, réceptions, rencontres de familles, bazar…
Mon père, Jean-Baptiste Marchand a toujours été admiratif du talent culinaire de nombreuses femmes de Lafontaine. Il se remémore entre autres du repas de banquet qu’elles avaient préparé pour honorer son frère, Paul Marchand, pour souligner la célébration de sa première messe à Lafontaine à la suite de son ordination de prêtrise en 1962.
Il se souvient aussi des «Box Social» organisés pour prélever des fonds. Selon lui : « Chaque femme préparait un repas pour deux personnes qu’elle plaçait dans une boîte numérotée qu’elle décorait. Les hommes payaient pour miser sur une boîte pour ensuite partager le repas avec la femme qui l’avait préparé.»
Certains se rappelleront d’avoir fait la queue à la salle pour déguster un repas de pâté de poulet ou d’y avoir terminé une soirée dans la salle sombre au bas plafond, située au sous-sol de la salle paroissiale, où l’on servait de la nourriture.
Rassembler pour vivre sa culture
La salle paroissiale a accueilli des pièces de théâtre («Nickel» du Théâtre du Nouvel-Ontario, « D’une concession à l’autre» de la troupe Les Créfins…); des conteurs (Stéphane Guertin), des poètes (Jean-Marc Dalpé), des prestations musicales (Beausoleil Broussard, La Raquette à claquette…) et le 5 août 1945, ses murs ont vibré au son de la voix de Joseph Ladéroute, un ténor au Metropolitain Opera de New York venu offrir un concert dans le village natal de son grand-père maternel au profit des étudiants de Lafontaine.
Les gens de Lafontaine ont pu profiter des offres culturelles venues de l’extérieur de la région, mais eux aussi ont toujours contribué à faire vivre les arts et la culture en créant eux-mêmes.
En juin 1955, la Société historique du Nouvel-Ontario de Sudbury avait publié la légende «Le loup de Lafontaine» écrite par Thomas Marchildon, le curé de la paroisse. Le 31 juillet de cette même année, lors du centenaire de la paroisse, une quarantaine de comédiens et comédiennes de Lafontaine ont présenté une pièce de théâtre basée sur la légende.
Dans la salle, le public a pu entendre les belles voix de la région, comme celle de Michel Payment, lauréat du premier prix de la compétition «Découverte» du Festival des Quenouilles en 1982, encore celles des chorales communautaires de la Huronie lors de concerts ou de cafés chantants.
Même si les voix se sont tues, nous demeurons reconnaissants de la vision de nos bâtisseurs et du travail des nombreuses personnes qui ont entretenu la salle paroissiale au bénéfice de la communauté de Lafontaine pendant plus de 80 ans.
Jean-Baptiste Marchand a pris cette photo le 19 juin 1962 au sous-sol de la salle paroissiale de Lafontaine où de nombreuses cuisinières avaient mis la main à la pâte pour préparer le banquet en honneur de son frère, Paul Marchand, qui célébrait sa première messe à Lafontaine à la suite de son ordination de prêtrise. De gauche à droite : Emelda Mayer (Brunelle), Alice (Marchildon) Génier (derrière le chaudron), Virginie (Hamelin) Marchildon, Velma (Laurin) Marion, Alpha (Robitaille) Desroches, Lorette (Hamelin) Marchand, Thérèsa (Robitaille) Pilon, Julia (Laurin) Marchildon, personne non identifiée au dos tourné, Sr Angéline Moreau, Vivianne (Desroches) Génier (en avant).