Les 35 ans de la Loi 8 sur les services en français en Ontario

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Le 19 novembre dernier marquait les 35 ans de l’application de la Loi sur les services en français en Ontario. Le journal a donc saisi l’occasion de faire un état de la situation en interrogeant des acteurs de la communauté francophone locale ainsi que des représentants de la francophonie au niveau provincial.

Hubert Théberge – IJL Réseau.Presse – Le Goût de vivre

Une page d’histoire importante

            D’abord adoptée en 1986, la Loi sur les Services en français est finalement appliquée en 1989 après plusieurs années de pressions de la part des communautés francophones de l’Ontario. Dans les années 1970, la mobilisation des Franco-Ontariens avait permis plusieurs avancées pour les francophones de la province, notamment l’établissement de nouvelles classes et écoles francophones ainsi que le début de l’affichage bilingue dans les édifices gouvernementaux.

            Après une tentative ratée en 1979 et trois ans d’attente après l’adoption de 1986, la Loi est finalement appliquée et donne notamment le statut de langue officielle au français pour les secteurs de l’éducation et de la justice et prévoit offrir les services gouvernementaux en français dans les régions désignées, où les francophones ont un poids démographique important.

            Le 1er novembre dernier, Sarnia devenait la 27e région désignée après 35 ans de l’existence de la Loi.

            Encore beaucoup de travail à faire selon l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO) 

            Lorsqu’interrogé sur le portrait de la francophonie en Ontario 35 ans après l’application de la Loi, M. Fabien Hébert, président de l’AFO, a déclaré que plusieurs signes sont encourageants. « C’est évident que l’ajout de Sarnia comme région désignée est une nouvelle fantastique mais il nous reste du travail à faire dans chacune des 27 régions », a déclaré M. Hébert. 

            L’amélioration de l’offre active en français est un point important à bonifier selon le président de l’organisme. « Il ne suffit pas que le gouvernement fournisse des services en français sur demande, mais bien que les employés offrent d’emblée le service en français sans attente », mentionne M. Hébert.

            De plus Fabien Hébert estime qu’au niveau provincial, le gouvernement pourrait en faire plus pour valoriser l’embauche et la formation d’employés bilingues dans les différents ministères. Cela dit, le président est satisfait du fait que l’Ontario ait atteint sa cible de 8% d’immigration francophone dans les dernières années et est confiant que les 27 régions désignées de l’Ontario conservent une proportion suffisante de francophones pour continuer d’offrir les services en français pendant plusieurs années.

Constats inquiétants auprès des organismes de Simcoe

            Du côté des organismes francophones de la région de Simcoe-Muskoka offrant des services francophones, on peine à recruter du personnel bilingue. Mme Annick Brown directrice des services à la famille pour La Clé de la Baie, a partagé que pour plusieurs organismes francophones, la situation ne s’est pas vraiment améliorée depuis 35 ans.  Mme Brown a confié : « Le plus gros défi est lié à l’embauche, mais cela s’accompagne de difficultés secondaires importantes, comme la recherche de financements spécifiques, de formations locales en français et la gestion de la clientèle francophone dispersée.  Les services francophones doivent justifier l’importance de leur existence, répondre à des exigences administratives supplémentaires pour continuer à recevoir du financement. Il en résulte aussi que les candidats qualifiés sont très sollicités et peuvent être attirés par des postes mieux rémunérés dans des régions ou des institutions avec plus de ressources, rendant la rétention difficile ».

            Mme Brown soulève également que selon-elle, la dissolution du Commissariat indépendant aux services en français en 2019 a été une perte regrettable pour la représentation des Franco-Ontariens de la région de Simcoe.

            Du côté de Tiny, Mme Joëlle Roy, directrice générale de la Meute culturelle de Lafontaine a confié que le principal défi de son organisme est le déclin de la langue en général. Selon Mme Roy, il est difficile de rejoindre les gens à travers des activités francophones, lorsque la langue elle-même est de moins en moins parlée.

            Lorsqu’interrogée sur la situation du français dans la région de Simcoe, Mme Joëlle Roy qui a fait des études francophones à l’Université de Louisiane a mentionné que selon elle, tout comme en Louisiane, beaucoup de francophones utilisent malheureusement de moins en moins le français dans leur vie courante. Mme Roy a toutefois souligné qu’elle perçoit un engouement présentement pour la langue française en Ontario et qu’il s’agit d’un signe encourageant.

            Également, tout comme Mme Brown, Mme Roy croit que les francophones de la région doivent faire plus de demandes pour des services en français afin que les services soient maintenus.

Le mot de la fin au commissaire aux services en français

            Carl Bouchard, qui a été nommé commissaire aux services en français du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario en décembre 2023, s’est dit satisfait du chemin parcouru par les Franco-ontariens depuis 35 ans.

            M. Bouchard se dit enchanté par l’ajout de Sarnia en tant que 27e région désignée. Lorsque questionné au sujet de la possibilité qu’une région perde sa désignation, M. Bouchard s’est montré rassurant : « La Loi des services en français vise constamment l’amélioration, la pérennité et la protection des services. Il n’est pas impossible que la liste des régions désignée soit un jour revue par le gouvernement, mais la Loi est écrite dans le sens d’améliorer les services et non de les retirer ».

            Comme exemple propre à notre région, le commissaire a mentionné que dans le cas de la fermeture de l’Hôpital général de Penetanguishene, la Loi sur les services en français prévoit une continuation de l’offre de services en français dans la région et qu’à cet effet, l’Hôpital général de la Baie Georgienne a été partiellement désigné pour répondre à des services en français. Cela dit, Carl Bouchard rappelle qu’il est impératif pour tous les francophones de faire activement des plaintes à son bureau en cas de déficience d’un service en français dans la région. « Le mot plainte a parfois une connotation négative, mais pour nous c’est un des principaux outils qui nous permet de faire notre travail », a précisé M. Bouchard qui a ajouté que depuis son arrivée en poste en 2023, plus de 2000 plaintes ont été traitées.

            Lorsque questionné sur la fermeture du Commissariat aux services en français de 2019, M. Bouchard a tenu à rappeler que le travail qu’il accomplit au sein du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario est très similaire à celui que faisait le Commissariat d’avant 2019. Selon lui il appartient donc aux Franco-Ontariens de faire respecter leur droit en communiquant avec lui.

            35 ans après l’application de la Loi sur les services en français, le portrait de l’Ontario francophone demeure nuancé et à l’image de ce qu’ils ont fait tout au long de leur histoire, les Franco-Ontariens devront rester unis pour faire rayonner leur langue.

M. Carl Bouchard, commissaire aux services en français (Crédit photo : gracieuseté du Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario)