Depuis le début de l’automne, la question de l’itinérance est particulièrement présente à Midland. La hausse du coût de la vie jumelée à l’accroissement démographique de la ville semblent avoir accentué le nombre de personnes sans-abris au centre-ville. La situation préoccupe autant les résidents, les commerçants, les membres du conseil municipal que les différentes personnes œuvrant dans le domaine communautaire.
Hubert Théberge
– IJL Réseau.Presse
– Le Goût de vivre
Au troisième rang de l’itinérance dans le comté
Lorsque rencontré par le journal au sujet de l’itinérance, le maire de Midland, monsieur Bill Gordon a partagé que la situation de l’itinérance a rapidement évolué entre le moment où il est devenu maire en 2022 et aujourd’hui : « La ville a connu une augmentation significative des personnes visibles en situation d’itinérance. Ce qui était des campements de tentes il y a quelques années a évolué pour devenir des regroupements plus grands comprenant des structures faites de bâches et d’autres matériaux comme des palettes de bois ».
Le maire a également mentionné qu’à l’heure actuelle, les statistiques du comté de Simcoe sont alarmantes et classent Midland au troisième rang pour le taux d’itinérance dans le comté. Selon M. Gordon, « cela ne signifie pas nécessairement qu’un plus grand nombre de résidents de Midland sont devenus sans-abri, mais plutôt que notre communauté attire des personnes en situation d’itinérance qui dépendent des nombreux services sociaux et de santé de la ville. ».
Pour M. le maire, la situation géographique et urbaine de Midland contribue à accentuer le problème. Le fait que Midland soit le plus gros centre urbain à proximité du Centre correctionnel du Nord, de l’hôpital de la Baie Georgienne et du Centre de soins en santé mentale Waypoint, pousse certaines personnes démunies, sortant de ces institutions à affluer à Midland où plusieurs services sont offerts.
Juridiction du comté de Simcoe
En plus de l’itinérance, la ville de Midland commence à vivre de plus en plus de problèmes associés aux plus grandes villes selon M. Gordon. Il indique qu’il y a beaucoup de vols qui sont signalés ainsi que des rassemblements nocturnes où des personnes ne faisant pas nécessairement partie des sans-abris, s’adonnent à la drogue et autres activités illicites. Lorsque questionné sur la pertinence de former un comité municipal sur la situation, le maire a répondu que : « la municipalité n’a aucune compétence, aucun financement et ne peut exercer aucune supervision sur les services sociaux, les organismes ou les prestataires de services offerts aux plus démunis. Le comté de Simcoe est le niveau de gouvernement qui finance, gère et supervise les services sociaux pour les 16 municipalités de notre secteur ». Ce dernier ajoute qu’il est frustrant de ne pas pouvoir jouer un rôle plus direct dans les enjeux liés à l’itinérance, mais que cependant certaines initiatives municipales peuvent aider à trouver des solutions. Parmi ces initiatives il y a eu un symposium sur le sujet de l’itinérance qui a été organisé à la Bibliothèque publique de Penetanguishene en octobre dernier, où les résidents et différents acteurs municipaux et des services aux plus démunis ont pris la parole pour parler de la situation. Le rassemblement a permis d’aborder les questions de pénurie de loyers abordables, de sécurité et les ressources limitées des différents services sociaux de la ville.
Un refuge à bout de souffle
Parmi les panélistes du symposium, on pouvait compter Mme Rosemary Sykes, directrice générale du refuge pour sans-abris « The Guesthouse » situé sur la rue Elizabeth à Midland. L’immeuble est l’un des seuls refuges de la région desservant à la fois Midland, Penetanguishene, ainsi que les cantons de Tiny et de Tay. Le refuge ne dispose que de 21 lits et éprouve présentement un sérieux problème de financement.
Le journal a rencontré Mme Sykes qui compte 20 ans d’implication au refuge. Selon la responsable la situation des sans-abris a grandement évolué depuis la pandémie de 2020 : « La détresse mentale est plus importante chez les itinérants. De plus, la pénurie de loyers abordables s’est accentuée ce qui enlève un peu d’espoir à plusieurs familles ne pouvant pas se loger convenablement. ». Mme Sykes avance également qu’à Midland, la perception des sans-abris s’est détériorée : « Plusieurs résidents et commerçants ont de plus en plus peur des itinérants ce qui ne fait qu’accentuer le problème ».
Lorsque questionnée sur la capacité d’accueil du refuge, Mme Sykes est catégorique : « si nous avions trois fois plus de lits au refuge nous serions quand même à pleine capacité ». Il est important pour Rosemary Sykes de préciser que chaque pensionnaire réside pour une durée d’environ un mois et qu’ils sont traités comme des invités, d’où le nom du refuge. Au cours des mois les plus froids, le sous-sol du refuge est adapté en centre de réchauffement pour permettre à des dizaines d’itinérants de venir à tour de rôle se réchauffer quelques heures à l’intérieur. Selon Mme Sykes plusieurs vies ont été sauvées grâce à cette vocation du refuge.
« The Guesthouse » a présentement un besoin critique de fonds pour poursuivre sa mission. L’immeuble datant de 50 ans relève du comté et nécessite des rénovations, dans les plus brefs délais. Les responsables du refuge espèrent un peu plus d’appuis de la part des conseils municipaux environnants et souhaitent que le public soit au rendez-vous à leur prochaine campagne de financement qui devrait être lancée avant Noël.
Du côté de la police
Lorsqu’interrogé, l’agent de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) Aaron Coulter a été clair au sujet des sans-abris : « l’itinérance n’est pas un crime en soi, mais plutôt une combinaison de facteurs qui échappent aux forces de l’ordre. Les policiers doivent s’assurer de la sécurité des citoyens et des sans-abris, mais leurs services ne peuvent être utilisés pour enrayer un phénomène comme l’itinérance ».
Les policiers peuvent donc intervenir advenant des actes illégaux ayant lieu sur le territoire qu’ils desservent, mais à l’exception de municipalités où des règlements spécifiques ont été votés, il n’est pas expressément illégal de dormir à l’extérieur sur des terrains publics. M. Coulter tient à rappeler que les policiers interviennent sur plusieurs plans au niveau de la sécurité et de la santé mentale et dans toutes situations impliquant l’itinérance la première mission des agents est de protéger le public sans aucun parti pris.
Avenues de solutions
Plus tôt en octobre, le conseil municipal de Midland avait partagé son intention de faire appel à une compagnie privée afin d’embaucher des agents de sécurité pour patrouiller le centre-ville en raison de la plus forte présence de sans-abris et de la hausse du taux de crimes perpétrés dans le secteur. Lorsqu’il a récemment été questionné sur ce projet, le maire Bill Gordon a répondu que le projet était né de la frustration liée à l’incapacité du conseil à obtenir une présence policière proactive dans le centre-ville. Bill Gordon poursuit : « ces agents de sécurité n’auraient pas les pouvoirs de la police, mais leur présence aurait pu servir de moyen de dissuasion. Par contre, les coûts pour ajouter cette mesure à notre budget étaient raisonnables jusqu’à ce que nous recevions une augmentation surprise de 1 million de dollars sur notre facture de la PPO pour 2025, ce qui représente une hausse de 26 % par rapport à 2024. »
Quoi qu’il en soit, après avoir reçu la nouvelle facture de la PPO, le maire a abandonné ce projet pilote, jugé tout simplement inabordable pour le moment. M. Gordon tient toutefois à assurer qu’il continuera à faire pression sur la PPO pour qu’elle fournisse une police proactive à Midland.
Par ailleurs le conseil de ville encourage les résidents à rester compatissants et compréhensifs envers les sans-abris et rappelle que toutes les personnes en situation d’itinérance ne sont pas toxicomanes, atteintes de maladies mentales ou criminelles. On encourage les dons en denrées et en argent faits aux organismes communautaires comme les banques alimentaires l’armée du salut et les refuges.
Plus concrètement, le maire Gordon soutient que les citoyens peuvent également contribuer en soutenant la création de nouveaux logements et tirer parti des nouveaux outils et subventions qui favorisent la création de logements locatifs. Il encourage entre autres les citoyens ayant les moyens d’aménager des logements secondaires abordables dans leurs maisons ou sur leur propriété.
Pour Rosemary Sykes, la solution s’articule en peu de mots : « implication de la population et de tous les paliers de gouvernements pour soutenir ceux qui travaillent au front et qui aident à redonner espoirs aux personnes sans-abris.
À l’approche du temps des fêtes, la situation est à tout le moins incertaine pour les plus démunis de la région.
L’immeuble du refuge « The Guesthouse » situé à Midland. (Crédit Hubert Théberge)