Réévaluation du patrimoine au Canton de Tiny

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Le 24 février dernier, le Comité consultatif héritage de Tiny a tenu une réunion publique afin d’orienter les futures décisions qu’il devra prendre concernant les lieux et bâtiments patrimoniaux de sa localité. L’équipe du journal a participé à la réunion et a interrogé certaines personnes impliquées afin de connaître les prochaines étapes du processus.

Hubert Théberge 

– IJL Réseau.Presse 

– Le Goût de vivre

Un patrimoine à reconsidérer

            Il faut savoir que depuis 1975, les municipalités de l’Ontario sont tenues par la Loi sur le Patrimoine de l’Ontario (OHA) de tenir un registre des propriétés listées et désignées. À Tiny c’est le Comité consultatif héritage de Tiny (CCHT) qui est en charge de proposer au conseil municipal du canton les propriétés listées et désignées. 

            Le fait d’être une propriété listée est une étape vers la désignation au registre. À Tiny, 29 propriétés sont listées et 4 sont désignées. Pour être désigné, un site ou un bâtiment doit répondre à au moins 2 critères d’un ensemble de neuf concernant par exemple l’importance d’un site pour l’histoire d’une communauté ou les caractéristiques architecturales d’une maison.

            La désignation seule assure la conservation d’une propriété. Une fois désigné le site ou le bâtiment ne peut être altéré, modifié ou démoli. Or, depuis 2022, la Loi visant à accélérer la construction de plus de logements du gouvernement de l’Ontario, stipule que les propriétés qui sont listées devront être soit désignées ou retirées du registre avant le 1er janvier 2027. Les 4 propriétés désignées du canton sont le pont de chemin de fer de la route de concession 2 Est, le cimetière de Copeland Hill, l’église Saint-Patrick et l’église Sainte-Croix.

            Lors de la rencontre du Comité consultatif héritage de Tiny du 24 février dernier, les membres du comité ont accueilli des représentants de la firme de planification MHBC de Barrie qui avaient préparé un rapport et des recommandations sur les prochaines étapes à suivre concernant la classification des sites et bâtiments historiques du Canton. Les résidents étaient invités à la rencontre afin de commenter, questionner et faire des recommandations aux membres du comité à propos des propriétés qui devraient être ajoutées ou retirées du registre. Aucune décision ne devait être prise lors de cette rencontre.

            Au cours de la présentation du rapport, Dan Currie et Gilliam Smith de MHBC ont fait un survol des 29 propriétés listées du canton en soulignant le fait que certaines propriétés comme l’ancienne école du 150 Greenpoint et la maison du 347 Chemin Balm Beach Ouest pourraient faire l’objet d’une désignation. Un échéancier décisionnel a également été proposé et la date du 17 mars a été retenue pour une prochaine rencontre du comité.

            Des personnes de l’assistance ont posé plusieurs questions entre autres au sujet de la maison Théophile Brunelle qui a été démolie en 2023 à savoir si d’autres maisons significatives comme la maison Labatte de la Baie du Tonnerre pourraient subir le même sort. La réponse a été que pour l’instant, le propriétaire de la Maison Labatte ne veut pas que la propriété soit désignée et que la municipalité ne disposait pas de règlement obligeant les propriétaires à entretenir leurs propriétés si ces dernières n’étaient que listées au registre.

            Nous avons par ailleurs questionné Mme Jacqueline Brown, responsable des communications pour le canton de Tiny afin de savoir qu’est-ce que les résidents et la municipalité peuvent faire pour éviter que d’autres bâtiments connaissent le même sort que la maison Brunelle. Mme Brown a invité les résidents à communiquer avec la municipalité : « Le public peut soumettre une propriété qu’il croit avoir une importance patrimoniale au processus de désignation. L’équipe du canton travaille en continu avec le Comité consultatif héritage pour l’aider et le conseiller au sujet des bâtiments à protéger ».

Se mobiliser pour le patrimoine

            Nadine Lalonde qui a été très impliquée avec la Meute culturelle de Lafontaine a suivi le dossier de la démolition de la maison Théophile Brunelle de près entre 2020 et 2023 et nous a partagé son point de vue au sujet de la conservation du patrimoine. « Pour moi la protection des lieux où habitent ou que fréquentent les gens de communauté font partie de l’identité propre à la municipalité. C’est savoir qui nous sommes. […]  Donc les règlements protégeant les immeubles servent à placer des limites sur l’effritement identitaire et à l’homogénéisation. […] Il est important qu’une municipalité se démarque par son caractère unique et sa culture ».

            Madame Lalonde fait partie des nombreux francophones de la région pour qui la maison de Théophile Brunelle faisait partie intégrante de l’identité de Lafontaine autant au point de vue architectural qu’historique. Selon elle certaines actions auraient pu être faites pour sauver ce qu’elle considère comme une part capitale du patrimoine de Lafontaine : « Le Comité patrimonial aurait pu s’adresser à la Fiducie du patrimoine ontarien dès que le problème s’est pointé. La maison était abandonnée déjà au moment de son inscription au registre en 2016. Il aurait fallu faire quelque chose tout de suite. Si le comité est nul, le conseil municipal qui a l’autorité décisionnelle aurait dû prendre les rênes ». 

            Certains se souviendront que le projet d’installer une plaque commémorative avait été évoqué par la municipalité en 2023. En mars 2025, la plaque n’a toujours été installée et selon madame Lalonde elle ne le sera pas sous peu : « la Fiducie du patrimoine ontarien (FPO) a envoyé une lettre au comité avant d’approuver une plaque officielle et a offert son aide. Apparemment qu’ils n’approuvent pas les plaques pour les maisons démolies. Or, le comité devait présenter une demande de plaque avant septembre 2022, mais ne l’a pas fait. La demande leur est parvenue en juin 2024. J’ai vu une lettre de la FPO offrant leur aide ! Mais il était déjà trop tard. La maison est tombée à la fin de 2023. »

            À l’heure actuelle, il y a urgence pour Nadine Lalonde que la population du canton se mobilise pour sauver le patrimoine de la localité. L’héritage francophone et métis fait partie de la riche histoire de la région et des dizaines de propriétés, non désignées ni listées risquent d’être perdues si les citoyens ne s’y intéressent pas. 

            Au centre des héritages francophones et métis se trouve la maison Labatte située dans le secteur de la Baie du Tonnerre à Tiny qui est le plus vieux bâtiment du secteur et a été construite en 1834, par Louis-George Labatte, un vétéran de la Guerre de 1812. Les personnes présentes à la réunion du 24 février ont appris que les actuels propriétaires de la maison Labatte veulent éviter qu’elle soit désignée ce qui laisse présager qu’elle pourrait être démolie au profit de nouvelles constructions. La maison est toujours en bon état, mais selon Nadine Lalonde il faudra agir rapidement pour qu’elle ne connaisse pas le même sort que la Maison de Théophile Brunelle : « C’est un bâtiment unique et on semble voir une certaine façon de faire dans la région où des propriétaires refusent de voir un bâtiment cité et le comité de protection accepte. On laisse le bâtiment se détériorer et la municipalité agit trop tard et se voit obligé d’accepter la démolition pour des raisons de sécurité. Il faut agir rapidement pour sauver notre histoire ». 

On ignore encore le sort réservé à la maison Labatte ainsi qu’aux 29 autres propriétés listées du canton, mais les personnes désirant s’impliquer pourront assister à la prochaine réunion du Comité consultatif héritage de Tiny le 17 mars prochain. Des rencontres entre le printemps et l’automne 2025 devraient également avoir lieu afin de mettre à jour le registre des propriétés listées et désignées.

            En attendant, pour les intéressés le registre des propriétés listées et désignées du canton se trouve sur le site web de la municipalité de Tiny.

La maison Théophile Brunelle qui a été démolie en 2023.  Crédit : Odette Bussière