Joëlle Roy
Patsy Grenier est la fillette de Célestin et Anna DeVillers. Elle est le numéro six parmi les sept enfants. Les enfants Grenier sont venus au monde dans un éparpillement temporel assez inusité. Patsy avait neuf ans avec sa sœur plus vieille qu’elle et six ans avec bébé Cathy. Les Grenier habitent la rue Fox à Penetanguishene et la petite Patsy joue le piano familial. Elle aimait mieux pratiquer le piano que de laver la vaisselle.
Clifford Lalonde est né au bout de la 18e concession en face d’où habite maintenant Martin Dorion. Il est le dixième de treize enfants. Les parents, Eudgère et Estelle Gauthier décident de déménager la maisonnée vers Penetanguishene où le petit Clifford fera son entrée scolaire à l’école Ste-Croix. Son enseignante, Sœur Ste-Louise, trouve que Clifford ne lui va pas du tout et en plus, ce n’est pas un nom de saint! Pourtant, l’autre Clifford de la même classe ne se fait pas harceler. Elle lui demande donc d’apporter son certificat de baptême et décide que Martin lui conviendra mieux. Juste comme ça, il devient Martin.
Patsy et Martin commenceront à se fréquenter alors qu’elle est en huitième année et lui est en dixième dans la Midland Penetanguishene District High School. Patsy est bonne amie avec la sœur de Martin, Doreen. À cette époque, les activités de groupe abondent. Le Young People’s Club tient les ados occupés à, entre autres, chanter dans une chorale dirigée par nul autre qu’Anne Gagné. Les murs de Penetang se souviennent encore de Jamaica Farewell et When You Wore a Tulip.
Ce club de jeunes rassemblait trois cents jeunes! Ils montaient des pièces de théâtre, des soirées de variété. Toute cette période se déroule en anglais. Aussitôt sorti du primaire, on vit à l’anglaise. Chez les Lalonde, la langue du foyer est le français et chez les Grenier, c’est l’anglais même si les parents francophones échangeaient dans cette langue. C’était comme ça!
Les tourtereaux ont entamé leur relation à l’image de la vie qu’ils dessineront : entourés de plein de gens à s’amuser et à s’impliquer dans la communauté. Avant la vie de mariés, Clifford passera par l’école normale et commencera sa longue carrière dans l’enseignement. Premier arrêt : l’école Corpus Christi puis St-Joseph pour treize ans et Penetanguishene Secondary school pour un deux ans des plus intenses. Patsy travaillera à la banque de Nouvelle Écosse de Penetanguishene où elle sera caissière pour toute une décennie. C’est en août 1965, qu’ils s’épousent pour toujours et un jour.
Ce n’est que cinq ans après la noce que bébé Jean-Marc fait son entrée. Trois ans plus tard la mignonne petite Céleste complète le portrait de famille. Pour nous resituer par rapport à la langue, il faut savoir qu’à la fin du secondaire nos deux moineaux avaient perdu leur français presqu’entièrement. Martin devra forcément ré-apprivoiser son français quand son accent de Penetanguishene se fait remarquer dans ses hautes études. Mais à la maison, avec les enfants, on parle français.
Patsy se fait femme au foyer durant les années 70 jusqu’à ce que le fiston atteigne ses dix ans et Céleste sept ans. Puis elle retourne sur le marché du travail, d’abord à Le Caron puis elle travaillera pour le Goût de vivre qui était alors au Centre d’Activités françaises. C’est à cette époque qu’elle aiguise son français à coup de sessions à Alpha-Huronie.
À la fin des années 70, c’est le summum du grand dérangement dans la Huronie. La guerre scolaire éclate et le moment est au choix identitaire. Martin, enseignant à P.S.S. est dans l’œil de l’ouragan. C’est à ce moment que Martin dit à sa partenaire : «On doit se brancher». Ce n’était pas évident quand la question linguistique divisait les familles. Martin choisit d’appuyer la francophonie pour la création de l’école secondaire française.
Les années 80, cette période épique n’est pas que conflits et confrontations. Elle comprend tout autant une mer de plaisir. C’était l’âge d’or du Centre d’activités françaises. Le Club des bons vivants porte bien son nom avec ses productions théâtrales dans lesquelles Patsy et Martin sont acteurs. La chorale avec Yvon Levert c’est autant de plaisir que de notes chantées. Martin devient membre du Club Richelieu en 1980 et Patsy se joindra au Club en 84, aussitôt que l’on daigne accepter la gente féminine.
C’est en 87 que l’appel de Lafontaine se fait entendre. La cour est trop petite, les tensions autour des divisions linguistiques sont toujours accablantes et l’appel de la nature les dirigent vers le Petit Québec, cette charmante banlieue de Lafontaine. Ils achètent la maison de Pierre-Paul et Doris Forget.
Ce déménagement marque un tournant dans leur vie. Patsy qui avait, mine de rien, compléter son baccalauréat, décide de compléter une formation en comportement animal. Cette formation de huit mois est couronnée par une période pratique sur une ferme avec des chèvres à Elmvale où elle cultive cette passion animale. La nouvelle demeure devient une petite ferme où Martin, lui, forme son pouce vert pour cultiver de fines herbes. Sa technique de fleurs séchées sur carte de souhaits se dessine graduellement.
Une petite grange est idéale quand on a un fils qui joue de la batterie. Cette grange a reçu bien des célébrations adolescentes puisque Jean-Marc et Céleste sont arrivés à Lafontaine alors qu’ils fréquentaient l’école secondaire Le Caron. Ce n’était pas parfait; c’était Plus que parfait!
Martin, en fin de carrière, a travaillé pour le ministère de l’éducation pendant deux ans. C’est dans ce poste qu’il façonne le programme De l’oral à l’écrit avec, entre autres, Claire Thibideau.
C’est en 97, que Martin prendra sa retraite alors que Patsy travaille à temps partiel au Goût de vivre. On commence à multiplier les voyages. Patsy ira en excursion en Irlande, puis le couple explorera l’Europe, de multiples îles exotiques et tout le Canada. C’est à cette période que Patsy voit poindre sa passion pour la peinture. Dans la dernière décennie, elle y a consacré beaucoup de temps et l’ensemble et l’évolution de son œuvre en témoigne. Plus tard, on achètera une roulotte Boler pour visiter tout l’ouest américain. Récemment, c’est dans une vanne que les Lalonde promènent leur curiosité et contemplation.
Au tournant du millénaire, Martin, dans sa généreuse implication communautaire, prendra la présidence du Festival du loup; poste qu’il occupe toujours. À la réunion où l’on concède l’impossibilité de développer un musée, il propose de piloter le nouveau projet de festival. Il était loin de connaître l’immensité de cette tâche. Mais quelqu’un devait le faire et comme personne d’autre se manifestait, il a pris le dossier.
Cet article n’a pas la prétention de tout cerner dans la vie de ce couple créatif et impliqué dans la communauté depuis leur adolescence. Mais il démontre que la petite ferme à Lafontaine a peine à contenir tous les projets et les créations de deux amoureux de la vie. Leur joie de vivre est contagieuse et inspirante. Un modèle au bonheur à considérer!