Joëlle Roy
Céline est la fille de Lionel Brunelle et Alma Roi. La famille Brunelle habitait la 16e concession, juste passé le coin de la moulange. Ils vivaient sur une ferme avec une variété d’animaux et tous les bienfaits de la terre. On ne manquait de rien.
Elle est la plus jeune de quatre enfants, deux garçons et deux filles. Céline a sept ans de moins que le dernier enfant. La théorie de l’heureux accident est de mise.
Céline se souvient de sa première journée à l’école Sainte-Croix comme si c’était hier. Sa mère la dépose en lui disant que la sœur va venir la chercher et de ne pas s’inquiéter. «J’attendais là comme une codinde!» Elle attend, puis attend. Soudain une petite fille est venue la chercher par la main. Depuis ce jour et après toutes ces années, Réjeanne est toujours sa meilleure amie!
Puis elle poursuit le secondaire toujours à Lafontaine jusqu’à la 11e année. Le Business College de Midland l’attire et elle y fera une formation d’un an pour être bien équipée pour le monde du travail. Beaucoup plus tard, elle ira terminer son secondaire à l’école Le Caron.
Si le Business College trouvait de l’emploi pour ses étudiants et étudiantes à Toronto, Céline avait déjà trouvé un emploi qui l’intéressait à Lafontaine : le bureau de téléphone. C’est ce qu’on appelait une opératrice de téléphone. À ce temps, on n’appelait pas directement quelqu’un d’autre; on passait par l’opératrice qui nous branchait littéralement.
Le bureau était mené par Patrick McNamara et le poste était installé dans leur maison où Lucille Brunelle habite toujours. Ceci leur permettait de s’occuper du bureau pendant la nuit. Le système téléphonique du temps ne comprenait pas de ligne privée. Plusieurs personnes se partageaient la même ligne et pouvaient discrètement entendre les conversations des autres.
Il y avait un système pour savoir à qui était destiné l’appel. Par exemple, on disait 6 R 2-2. Ceci signifiait qu’on voulait la ligne numéro 6 (celle du village) et qu’on devait sonner deux longs et deux courts (dddrrrrring, dddrrrrring, ding, ding).
C’est à l’époque des salles de danse que Céline va rencontrer son futur marin, Victor Leblanc, dans une de ces salles sur le chemin Balm Beach. Ils se fréquenteront deux ans avant de se marier à l’église Sainte-Croix de Lafontaine.
Victor Leblanc, de Penetanguishene, a travaillé dans les mines à Sudbury pendant quelques années avant de rencontrer Céline. Puis il a contribué à la construction de l’autoroute 69 dans la région de Parry Sound. C’est là qu’un incident viendra endommager sévèrement une de ses jambes. Sur le coup et pour les années suivantes, il reprendra une vie normale avec sa jambe blessée. Cette blessure reviendra à la charge beaucoup plus tard. En attendant, il boite à peine.
Comme le jeune couple habite Penetanguishene, Céline ne peut plus voyager à Lafontaine pour aller travailler. Elle trouve un nouvel emploi à l’hôpital psychiatrique qui abordait le processus de rajeunir son personnel. En plus, on formait le personnel en raison de deux heures de classes avant ou pendant son quart de travail. Tout en gagnant de bons gages avec tous les bénéfices, en dedans de deux ans on se retrouvait infirmière qualifiée (RNA).
L’année de leur mariage, en 61, Victor opérait un service de traiteur. Il approvisionnait les travailleurs des usines de Midland pour leur offrir tout un menu pour la pause-café. Il vendait des pâtisseries et aussi des sandwiches pour ceux qui voulaient garnir leur boîte à dîner. Ses petites tourtières de madame Desjardins étaient particulièrement appréciées. Avec l’aide de sa mère, il a tenu ce commerce pour trois ans. Victor a laissé tomber au moment où les usines commençaient à avoir leur propre cantine et à garder les profits relatifs.
Dans les mois suivants le mariage, Victor a entamé la formation de pilote à l’aéroport de Perkinsfield. Il était encore à terminer sa formation quand junior était petit bonhomme. Céline a de beaux souvenirs des ballades aériennes dans les avions louées à Perkinsfield.
Victor a rejoint son épouse à l’hôpital psychiatrique pour profiter des mêmes bonnes conditions. En 1964, l’arrivée de Victor junior rend le travail sur horaire variable un peu compliqué. Mais les employeurs leur organisaient un horaire pour s’assurer qu’il y avait toujours quelqu’un à la maison pour le petit Victor et deux ans plus tard, pour la petite Monique. Il y avait un trente minutes à combler pendant le changement de garde. Grand-papa Brunelle se faisait un plaisir et un devoir de venir s’occuper de la marmaille pour cette petite période. Il faisait le trajet de Lafontaine à Penetang pour ce moment privilégié avec ses petits-enfants.
Cet horaire est devenu impossible pour la vie de famille. Après cinq ans de service, Céline abandonne l’hôpital psychiatrique tandis que Victor y restera jusqu’à sa retraite.
Elle cherche un travail dont l’horaire sera plus convivial pour la petite famille. Les années 70 marquent le début des garderies pour préparer leur entrée à l’école française. Son nouvel emploi est à la garderie du Centre français sur la rue Simcoe, dans un local mis à leur disposition par le docteur Gauthier. Elle travaillera avec Thelma Marchand. Les femmes s’occupent d’une douzaine d’enfants en matinée. Il y aura plusieurs déménagements à cette garderie mais on trouve toujours un coin pour ce service si important pour les familles. Mentionnons le sous-sol de l’église Sainte-Anne et de l’Annexe de l’école Saint-Joseph.
Le besoin explosif s’est étendu à Lafontaine et à Perkinsfield. Céline fait le tour des sites et elle passera quinze ans à servir les familles qui ont besoin de garderies.
Quand on est impliqué dans la francophonie, il est impossible de passer à côté des fameux comités. Céline n’y échappera pas. Elle n’a pas choisi le plus facile en acceptant d’être conseillère scolaire pour le conseil public avec Alvin Gravelle et le renard Basile Dorion. C’était l’heureuse époque des sections de langue française.
Victor junior et Monique feront aussi leur formation d’infirmiers et suivront la trace de leurs parents qui mène vers l’hôpital psychiatrique. Les années filent et bercent le quotidien de cette famille heureuse jusqu’à ce que le malheur s’y acharne. Alors que junior n’a que 36 ans et qu’il s’amuse avec un copain en motoneige, il subit un accident vasculaire cérébral. Infirmier de métier, il savait exactement ce qui lui tombait dessus. Après trois mois de coma, il sévit sous l’emprise de cette maladie sournoise. Une grande noirceur couvre leur petit bonheur. La vie continue en dissimulant la peine tant bien que mal.
Le travail de Céline dans les garderies avait l’avantage de faire une pause pendant les deux mois d’été. C’est pendant ce répit qu’on lui propose d’entreprendre un travail dans une garderie de Barrie. Il s’agit d’une garderie privée juste à côté du Collège Georgian. Comme on dit, l’essayer c’est l’adopter! Le Raggedy Ann Day Care a bénéficié de ses services pendant onze ans.
Le plus grand bénéfice de ce travail, c’était d’arrêter à Waverley tous les soirs en revenant du boulot pour voir le petit-fils Réal. Sa fille Monique est mariée avec Nelson Charlebois et leur enfant est le trésor des grands-parents. Grand-maman en parle encore avec une lueur dans les yeux. Le petit a suivi sa passion et il est devenu mécanicien chez Bourgeois à Midland.
Les amis et le plaisir font aussi partie intégrante de ce portrait de famille. Céline a des amies qui apprécient les voyages. Elle raconte un voyage mémorable en France avec un groupe de l’Ontario dont France Picard. Avec Réjeanne, Joan et Suzanne on s’envole vers la Suisse et plus tard, vers les pays scandinaves. Avec Victor, on fera la croisière vers l’Alaska. Les gars, eux, avaient leurs voyages de chasse et de pêche.
Comme il l’avait prédit, l’accident de jeunesse de Victor est venu le hanter. Autour du tournant du millénaire, il a eu des problèmes de cœur qui ont nécessité une chirurgie de pontage. Dans le processus, on se rend compte qu’il y a un problème de circulation qui se développe dans sa jambe blessée jadis à Parry Sound. Effectivement, en moins d’une décennie, l’amputation a été inévitable. Victor nous a quittés en 2015.
Céline habite une jolie demeure de la rue James à Penetanguishene. Une armée de maisons de ville seront construites là où elle cultivait son petit jardin. Néanmoins, tous les condos du monde n’affecteront jamais le petit bonheur cultivé dans sa demeure bâtie sur mesure pour les Leblanc il y a déjà vingt-deux ans.
Dans la photo on aperçoit: Victor et Céline (Brunelle) Leblanc entourés de leurs enfants Victor junior et Monique et leur gendre Nelson Charlebois.