En août 2022, le Canton de Tiny a adopté le règlement municipal 22-017 portant sur les permis pour locations d’hébergement à court terme. Comme dans plusieurs communautés au Canada, la disponibilité et la popularité de locations à court terme avaient pris un essor fulgurant durant la pandémie de la COVID-19. Alors que la haute saison du tourisme tire à sa fin, le bilan sur la première année de la mise en application du règlement s’avère plutôt nuancé.
Annique Maheu
IJL – Réseau.Presse
– Le Goût de vivre
Les grandes lignes du nouveau règlement
Sur le site web du Canton de Tiny il est indiqué que le nouveau règlement et le système de permis ont été adoptés afin de répondre aux préoccupations de la communauté. De plus sa mise en application assurera que les locations offertes sont sécuritaires et gérées dans le respect du nouveau règlement et selon le Code du bâtiment de l’Ontario, les normes de prévention de feu, et tout autre règlement municipal.
David Brunelle, Conseiller municipal du Canton de Tiny, explique «qu’en l’absence de direction de la province, les 444 municipalités de l’Ontario qui cherchent à mieux gérer la situation doivent créer leur propre règlement. On doit prendre des décisions difficiles».
Avant l’adoption du règlement et des permis il y avait au-delà de 1000 locations à court terme dans Tiny.
Le Canton a décidé de limiter le nombre de permis pour les locations à court terme à 300 et d’établir les paramètres du permis selon son nouveau règlement. Celui-ci dicte entre autre que l’hébergement doit être une propriété résidentielle, louée pour une période de 28 jours ou moins par entente de location et qu’elle ne peut pas être louée pour plus de 92 jours cumulatifs dans une année calendrier. Les locations pour une période de moins de 6 jours entre le 15 avril et le 15 octobre ne sont pas permises. La résidence ne peut pas être louée plus d’une fois à chaque intervalle de 6 jours du 16 octobre au 14 avril.
Les permis en 2023
Un rapport du Canton de Tiny sur le règlement 22-017 en date du 11 octobre 2023 indique qu’un total de 294 demandes de permis ont été reçues pour l’année 2023. Le système qui devait opérer sur une base de recouvrement de coûts a généré 441 000,00 $ en 2023 (1500,00 $ par permis et 150,00 $ par demande de permis) qui, selon Tiny, rejoint son objectif financier.
Pour obtenir un permis, les propriétaires doivent fournir beaucoup de documentation. En premier lieu une preuve d’assurance et un code de conduite pour les locataires. Des carnets de vérification de détecteurs de fumée et de monoxyde de carbone ainsi qu’un carnet d’inspection d’extincteur de feu sont requis. Un rapport d’inspection de l’installation électrique est requis aux 5 ans. Alors qu’un rapport d’inspection des foyers ou poêles à bois et de leur ramonage est nécessaire à chaque année. À cela s’ajoute: un rapport d’inspection de système CVCA, un plan du site et de l’édifice, etc.
Certains propriétaires découvrent rapidement qu’ils auront des investissements significatifs à faire afin de répondre aux attentes du code du bâtiment et des normes de prévention des incendies.
Des répercussions importantes pour les propriétaires
Alison Fairweather, propriétaire d’hébergement qu’elle loue à court terme et détentrice d’un permis de Tiny en 2023, n’est pas convaincue que l’ajout de ce règlement et du système de permis, qu’elle définit comme onéreux, était nécessaire.
«Le Canton possédait déjà des règlements municipaux pouvant atténuer les conflits entre résidents et locataires, tels que les règlements sur le bruit, les déchets, etc.» affirme Mme Fairweather.
Selon elle, les exigences pour l’obtention d’un permis est discriminatoire envers les gens qui ne peuvent pas se permettre une résidence à Tiny sans qu’ils puissent la louer.
«En louant notre propriété, nous offrons la chance à plus de gens ne pouvant se permettre une telle propriété, de vivre une expérience typiquement canadienne, de s’héberger dans un chalet, et de profiter de cet endroit magnifique» constate Mme Fairweather.
Mme Fairweather indique que le processus de permis qui exige plusieurs certificats et inspections semble aussi discriminatoire envers les propriétaire de locations à court terme.
«Si le Canton s’inquiétait vraiment du bien être des gens à Tiny, ils devraient exiger les mêmes inspections et vérifications auprès de toutes les propriétés résidentielles» affirme Mme Fairweather.
Des retombées nuancées pour les membres de la communauté
Pour Francine Patenaude, résidente du Canton de Tiny qui habite près de la plage de la 16e concession à Lafontaine depuis plus de 30 ans, la venue des locations à court terme dans son quartier résidentiel a été cauchemardesque, et la nouvelle règlementation ne règle pas tout à fait l’affaire.
En mai 2021, la résidence voisine de Mme Patenaude a été achetée par de nouveaux propriétaires habitant à l’extérieur de la région. Ceux-ci ont décidé d’offrir leur maison en location sur la plateforme AirBNB.
«Ce premier été en 2021, a été l’enfer. À tous les trois jours nous avions des étrangers à côté qui ignoraient les règlements municipaux et qui croyaient qu’être en campagne voulait dire qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient» affirme Mme Patenaude.
Comme plusieurs résidents de la communauté, ils étaient exposés aux bruits excessifs à toutes les heures de la journée, à des excès de vitesse, à de la conduite imprudente d’automobilistes, à la mauvaise gestion de feu de camp, et à la porte tournante de vacanciers.
Leur seul recours à l’époque: appeler les agents qui voient à l’application des règlements municipaux, ce que Mme Patenaude devait faire une à deux fois par semaine pendant tout l’été.
«Chaque fois que les agents «by-law» venaient, ils ne donnaient qu’un avertissement. La minute que ce groupe partait, un autre groupe arrivait pour leur séjour puis ça recommençait» affirme Mme Patenaude.
Depuis, Mme Patenaude a installé une haie, des caméras de surveillance et des affiches sur leur propriété exigeant le respect de la communauté et du règlement municipal face au bruit excessif. Le voisin propriétaire de la location a menacé Mme Patenaude avec une poursuite légale à cause de ces affiches qu’il qualifiait comme «crime haineux» envers les vacanciers.
Pour Mme Patenaude, le nouveau règlement sur la location à court terme a toutefois apporté des changements temporaires. Ce voisin qui détient maintenant un permis de location à court terme a décidé de louer sa propriété à un seul locataire pour un an. Malgré ce répit, Mme Patenaude et sa famille craignent le départ du locataire et l’arrivée du printemps 2024.
Pour Janice Murton, propriétaire d’un restaurant à Tiny et membre de l’Association des propriétaires riverains de Lafontaine, elle reconnaît l’importance de partager l’endroit et l’eau pure de la baie Georgienne et constate que l’impact économique n’est pas négligeable. Toutefois, l’impact négatif sur la communauté locale se ressent.
«Avec la popularité des locations à court terme et du potentiel de revenus, on a perdu beaucoup de logement à long terme. Nous avons perdu les liens communautaires du voisinage puisque nos voisins sont représentés par des gestionnaires de propriétés» affirme Mme Murton.
«Maintenant avec les exigences des permis, plusieurs ont de la difficulté à en obtenir un. Donc certaines propriétés reviennent au modèle de location à long terme ce qui est bon pour la communauté» constate Mme Murton.
Pour Mme Murton, le règlement est un bon début, mais certains enjeux importants sont toujours présents dont l’application des règlements et la question de la densité des locations à court terme. Le règlement ne traite pas de la question de la densité.
La densité est aussi un enjeu pour Mme Patenaude. En 2022, le quartier où elle habite comptait 14 locations à court terme, ce qui représentait 19% des propriétés de la rue du voisinage. Certaines municipalités en Ontario ont établi une densité maximale dans leur règlement sur les locations à court terme. Dans la municipalité de Grey Highlands et du Comté de Prince Edward, une limite de 15% de densité est établie par rue qui compte des terrains de moins d’un acre.
L’avenir du nouveau règlement à Tiny
Le rapport du Canton de Tiny qui date du 11 octobre identifie des défis liés au nouveau système de permis. Parmi ceux-ci, les défis des échéanciers pour l’obtention des documents nécessaires et les inspections de propriétés saisonnières (propriétaires absents), l’embauche de personnel qualifié, le besoin d’un système administratif pour les pénalités monétaires liées à la conformité aux règles afin de résoudre des conflits à l’amiable. Bref des ressources additionnelles seront nécessaires pour appliquer la loi et répondre aux plaintes.
«C’est vrai qu’il y aura des ajustements à faire au règlement, mais après une première année, nous allons dans une bonne direction» affirme le Conseiller Brunelle.
Le Canton de Tiny accepte les demandes de permis pour locations à court terme pour l’année 2024 depuis le 1er novembre 2023.